Quel est le matériau utilisé par le peintre pour faire son art?
De la pensée transposée sous forme de traits, de couleur.
Quel est celui du pianiste ?
De la pensée transposée sous forme d’accord, de rythme, de note musicale.
Quel est celui du comédien?
De la pensée.
Avant de vouloir faire sur scène, de vouloir montrer, on doit se donner l’autorisation de s’ouvrir, de penser, donc de se connecter à
soi.
Extrait de l’Actor Studio de Lee Strasberg : « Ce qu’il y a d’extraordinaire dans le jeu théâtral, c’est qu’on utilise la vie elle-même pour produire des résultats artistiques. Dans tous les autres arts, les moyens employés ont seulement l’air d’avoir un rapport avec la réalité; la musique peut souvent saisir les choses plus profondément que les autres arts, mais elle ne fait que vous parler de la réalité ; la peinture nous parle du peintre, du sujet peint et de la combinaison des deux. Pour l’acteur, étant donné qu’il est un être humain, il ne fait pas semblant d’utiliser la réalité : il utilise littéralement tout ce qui existe : la pensée – pas celle qui est transposée en traits et en couleurs par le peintre, mais la pensée authentique, vraie – la sensation vraie, le comportement vrai. Cette réalité véritable est le matériau de notre métier. »
Avant de faire, on doit penser !
Jean-Laurent Cochet lui aussi met la pensée au coeur du jeu de comédien. Extrait de son livre « L’art et la technique du comédien » » Ne surtout pas tenir compte de la ponctuation écrite qui n’est qu’un repère pour les yeux et pour le sens lors de la lecture. Au-delà des mots, retrouver la puissance du verbe. Ne jamais se demander « comment » je vais dire les mots, mais « pourquoi » je dois les dire ! Pourquoi l’auteur a-t-il voulu, en les écrivant, nous faire comprendre telle chose ? Ensuite : le faire comprendre aux spectateurs. La tâche est à la fois beaucoup plus simples et beaucoup plus délicate qu’on ne l’imagine. Si on a bien étudié un rôle, on doit pouvoir le jouer du début à la fin avec uniquement des mots à nous. Une fois qu’on a trouvé le langage de l’inflexion (qui n’est pas l’intonation écrite), sur cette inflexion, on accroche petit à petit les mots de l’auteur. Autrement dit, on parle de soi avec les mots d’un autre. Il se produit alors une fusion. » Et plus loin dans le même ouvrage : « Surtout ne pas faire semblant de jouer, mais jouer à faire semblant. Pense et donne-moi ta pensée à travers les mots de l’auteur. Ne fais pas semblant de penser ! Tu as une sensation ? Eh bien pense-là ! Pour la retenir et la réfléchir (dans les deux sens du terme), pour la transmettre. Pense-là pour savoir si elle s’accorde bien à ton personnage, à son caractère, à la situation. etc…
Dans la vie les stimulis auxquels on réagit sont réels. Sur scène, on doit répondre à des stimulis imaginaires. Et pour y répondre, cela implique qu’il y en ait. Donc on doit en préparer. Préparer notre pensée.