C’est toujours très frustrant pour l’enseignant.e de voir les comédien.nes en scène être perturbés par les réflexions des autres qui forment le public. Je propose une formulation qui me semble apporter une vision plus digeste que le « chut, on ne doit pas parler quand on est dans le public ». Sous forme négative « on ne parle pas » donne l’impression d’enlever quelque chose à l’élève et ne dit rien de ce qu’il faut faire en vérité, à savoir construire un silence, bâtir son écoute. « Construire son écoute » apporte une vision plus personnelle et rend actif. Il faut leur dire « on construit son écoute » et banir le « on ne parle pas » ou le « on écoute ». Avec le « on construit son écoute », il y a quelque chose à faire. D’ailleurs le signe n’est pas celui de la bouche que l’on fait mine de fermer avec la fermeture éclair imaginaire mais de pointer l’oreille et d’orienter son regard vers la scène. Avec « on construit son écoute » on pose un repère qui donne aux élèves du public quelque chose à réaliser dont ils sont responsables. L’écoute se construit comme un bâtiment et cela se fait progressivement, petit à petit. On peut préciser que ça ne se fait pas comme ça, du jour au lendemain, qu’il y a des gens qui ont plus ou moins de talent à construire leur écoute. Ainsi, cela fait de l’écoute une quête attractive, une compétence à acquérir progressivement plutôt qu’un silence qui nous met en sourdine. L’écoute nous fait exister. Le silence nous fait disparaître. C’est une superbe opportunité pour transmettre le goût et l’importance de l’écoute qui est une décision personnelle.
J’ajoute qu’il faut réussir à distinguer les « ajouts » (pertinents ou tentatives) de ce que j’appellerais « perturbations » des élèves assis dans le public. Les « ajouts » attestent que l’élève est connecté et attentif à ce qui se passe sur scène et vit avec les comédiens la situation. Dans ce cas, son intelligence et/ou son imaginaire fonctionnent et le corps ne résiste pas au désir de se manifester. Là, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’il y ait des saillies vivantes même si elles peuvent bousculer l’équilibre déjà fragile d’une scène avec des jeunes enfants. À ne pas encourager mais à ne pas pointer comme hors sujet. Dans le cas d’une « perturbation », il est question de tout ce qui est en dehors de la situation et du cours de théâtre. Là, il est important de rappeler le cadre de la relation et l’intérêt d’être ensemble.