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Trouver le jeu !
L’improvisation est un superbe exercice pour les comédiens et comédiennes car elle exige leur spontanéité. Ça peut être un bol d’air pur, un moment de grâce, un rendez-vous insoupçonné et merveilleux avec soi-même et l’autre, comme un épisode qu’on souhaite vivement achever tellement on peine à exister et qu’on se sent ramer. En tous les cas, elle ne doit pas reposer uniquement sur nos performances intellectuelles, sur le fait d’être cultivé, drôle ou je ne sais quoi. La qualité de son être-en-scène est ailleurs. Evidemment qu’une personne qui est chercheuse en science dans la vie professionnelle et qu’on lance sur scène faire une improvisation dans laquelle elle doit incarner un scientifique se sentira plus à l’aise que quelqu’un qui n’est pas experte et qui ne travaille pas dans ce domaine.  Mais ça ne signifie pas que l’improvisation va être bonne. La personne peut utiliser un vocabulaire adapté et nous apporter toute une réalité du métier de scientifique qu’on ne connait pas et qui plus est intéressant. Mais peut-être que le public va s’ennuyer un peu autant que la personne qui ne fera que témoigner de sa vie professionnelle qu’elle connait bien. Il y a autre chose à donner. Et le public lui n’est pas sensé connaitre les métiers de chacun, la culture de chacun, l’origine, la trajectoire de chacun ; ce qu’il veut sentir c’est comment l’humain peut se montrer courageux et se lancer en scène dans l’inconnu et agir avec enthousiasme dans cet inconnu ; comment l’humain qui s’attire lui-même des ennuis et qui prend des risques en allant sur scène va parvenir à maintenir un état d’esprit bienveillant, constructif, enthousiaste et courageux. Donc c’est important de développer un état d’esprit et d’apprendre à maitriser des outils. « Trouver le jeu » fait partie de la panoplie d’outils à disposition pour enrichir nos improvisations. La qualité de notre être-en-scène vient de la connaissance de ce qu’est la scène, l’improvisation, les attentes du public et la maitrise d’outils. Elle n’est pas soudée à des capacités intellectuelles et/ou de repartie.

Un jeu est quelque chose qu’on répète. C’est une routine que l’on joue un certain temps, qu’on fait évoluer, qu’on renforce puis qu’on casse pour en créer une nouvelle. Il faut s’entrainer à éveiller sa vigilance aux petites propositions émergentes et construire à partir d’elles et les transformer en jeu.
Pour vous donner un exemple : L’exercice des 3 chaises. Trois chaises en ligne les unes à côté des autres. Un.e artiste sur chaque chaise et on se lance dans une improvisation sans savoir qui on est et où on est. Dans une première version, on peut parler et l’improvisation s’arrêtera quand tous les artistes auront quitté la scène ensemble. Dans la seconde version, idem excepté que les comédiens ne peuvent pas parler. Ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas le faire c’est qu’ils choisissent de ne pas le faire. Dans cette version on verra qu’on est beaucoup plus attentif les uns aux autres, qu’on est hyper observateur et donc que l’on fait l’expérience d’être au présent.
Si l’un des trois se met à tousser légèrement. Les autres ont une réaction minime. Si le comédien tousse une nouvelle fois il peut en faire un jeu, le jeu de la toux. Il faut ensuite le renforcer, le répéter et le rendre plus grand, plus fort. On tousse plus fort et les réactions seront plus fortes. Et cela peut déboucher sur un changement. Les comédiens n’ont pas à se préoccuper d’autre chose que de jouer au jeu de la toux. Si on joue à un jeu et qu’on le renforce on suscitera du changement et on découvrira quelque chose de nouveau. Imaginons que celui ou celle qui tousse fort dérange les autres et l’un des deux dérangés choisit de bouger sa chaise en s’éloignant. Si on le refait en le renforçant des deux côtés alors on crée un jeu. Et si le dernier qui se sent surpris et dérangé par l’autre qui a bougé sa chaise décide par provocation d’avancer sa chaise avec violence vers la personne qui a bougé sa chaise, alors ça peut créer un autre jeu. Ils peuvent se poursuivre l’un après l’autre avec les chaises et celui qui toussait peut les regarder et tourner de plus en plus vite jusqu’à tomber dans les pommes. Cette chute peut faire arrêter ceux qui se poursuivaient et l’un peut crier de stupeur jusqu’à s’hyper ventiler et tomber à son tour. Le dernier peut etc…

Chaque jeu troué pr les comédiens les concentre sur une seule action, cela permet de rester au présent et d’epxloiter à fond une idée. La performance sera fondée sur ce qui se passe vraiment entre eux au lieu d’être centrée sur le fait d’inventer des manières d’arriver à la fin de la scène.
On peut répéter n’importe quelle action et en faire un jeu. Si on sourit, on peut répéter ce sourire. Si on le renforce cela va nous amener à découvrir quelque chose de nouveau chez soi ou l’autre. On peut répéter toute sorte de chose: le fait d’éviter le regard, soutenir le regard, toucher le partenaire, dire « oui monsieur », soupirer…
La chose importante est de ne pas planifier mais de découvrir quelque chose, de le répéter et de faire grandir jusqu’à ce que ça provoque un changement. on peut intégrer le jeu dans les enjeux relationnels des personnages. Si on découvre une jalousie, on peut la renforcer et bâtir à partir de la jalousie.

outil d'improvisation, Guillaume Loublier

outil d’improvisation, Guillaume Loublier

Issu du livre de Mark Jane « Jeu et enjeux, la boite à outils de l’improvisation théâtrale »