« Est-ce que nous voyons la cent millième partie de ce qui existe ? » – Ces mots de Guy de Maupassant donnés à la bouche du personnage du Moine que le protagoniste rencontre lors de son séjour au Mont-Saint-Michel interrogent l’invisible et ses réalités. Quand on parle de l’invisible, on pense souvent aux fantômes, aux esprits, aux énergies qui habitent des lieux ou des choses. Le Moine de Guy de Maupassant prend le vent en exemple. « Le vent qui est la plus grand force de la nature, qui renverse les hommes, qui abat les édifices, qui déracinent les arbres, qui soulève la mer en Montagnes d’eau, qui jette aux brisants les plus grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, le voyez-vous et pouvez-vous le voir ? Il existe pourtant ».
C’est vrai. Il y a des choses qui existent, mais qui se dérobent à nos sens. Ce n’est donc pas parce qu’on ne voit pas une chose qu’elle n’existe pas. L’humain doit accepter son équipement biologique qui ne lui permet d’avoir qu’une expérience limitée de son existence. En effet, il est entouré d’éléments qui se meuvent et qui peuvent agir hors de son champ d’observation et il doit se contenter de ses sens pour avancer dans la vie et s’y faire une place.
Il y a des personnes qui se son spécialisées dans l’invisible et qui oeuvrent à trouver les moyens de l’habiter d’avantage depuis leur propre condition d’humain et d’interagir avec. Les médiums par exemple favorisent les échanges avec les esprits.
Le risque de travailler avec l’invisible n’est-il pas justement de se heurter à notre propre condition limitante et, faute de moyens, d’être tenté coût que coûte d’apporter des gages de son existence sur la base d’une conviction, d’un statut, d’attente d’un public ou d’un besoin ?L’invisible ouvre la porte de notre imagination. Comme nous ne voyons pas cet invisible, nous pouvons lui attribuer des intentions, un caractère, une forme et ce de manière arbitraire et le traiter par l’émotion qu’il nous suscite. C’est un terrain fertile d’abus et de dérives pour les charlatans qui exploitent l’émotion humaine à des fins commerciales.
Guillaume Loublier a vu dans l’adaptation de Julien Gelas du Horla de Maupassant un parallèle entre notre rapport émotionnel à l’invisible et celui à notre avenir. Ce fameux « futur », entre décroissance, effondrement, nouvelle civilisation, le meilleur reste-il toujours à venir ? La question ne se pose plus pour celles et ceux, par exemple, qui refusent de mettre au monde des enfants dans un contexte planètaire qu’ils jugent inapproprié au bon développement d’un humain. Demain sera-t-il vraiment invivable ? Le futur n’est-il pas un invisible comme le vent dont le Moine parle ? Une réalité qu’on n’appréhende pas en totalité mais dont on sait qu’elle a un impact tangible. Comment se positionner face à ce futur pour ne pas perdre pied avec la réalité ? Le prospectiviste est-il un médium du futur ?
À la 47’18 minutes, Olivier Parent interviewé par The Flares présente la Prospective.